Puisque Ben l’écrit… L’art, c’est des dates.

 

Les dates sont notées souvent comme des suites de chiffres, séparées de barres obliques, de points, voire de traits d’union. Elles ont alors la froideur des mathématiques, implacables, sauf que définitives. Quand bien même avec le recul, le jour d’avant ou d’après ne fait pas toujours la différence. Leur valeur est relative. Et seules quelques-unes émergent, parce qu’elles sont chargées du poids de l’Histoire. 

Dans mon ouvrage, Genève en 366 jours, c’est un peu cet arbitraire que j’essayais de mettre en lumière. Tout n’est pas important. Tout s’oublie, même l’important. La Rose et son nom, le glaive, la plume et tout ce qui fait que la vie a un semblant de sens.

En somme, dépasser ce que l’on voit, ce que l’esprit nous illusionne, à la Magritte, pour s’attacher au coeur qui pulsionne.  Des gens, des visages parmi la foule, des faits d’armes étalés dans les pages « en latin » et des torrents de rien, sur le web… Impossible de tout retenir, que l’éphémère. 

Je présente ce livre comme un objet littéraire, car il mêle l’exercice de style, du journal intime, à la précision historique – sans prétendre quand même au statut de document de référence. En cela, cette compilation de moments dans la vie de la Cité de Calvin a une dimension artistique, que je revendique (donc). Et si je reconnais que certains coups d’éclats d’artistes font date, je serais bien en peine d’en citer quelques-unes… Une vente aux enchères pour Giacometti, un soir de première pour Edmond Rostand (Hugo avec Hernani, ou Corneille….)

Est-ce que l’assertion est juste? Frappée au coin du bon sens? Est-ce un autre artifice de mise en abîme ou de miroir de notre rapport aux œuvres? Tout n’est pas aussi puissant chez Ben Vautier. Cette réflexion sur toile m’interpelle et me plaît, évidemment (dans ce que ce terme d’évident a de plus profond). 

Nos vies sont des dates en cascade. En route, nous pourrions prétendre à l’art, ou la sainteté. La plupart d’entre nous sommes à mi-chemin. Et c’est très bien. 

Texte ©Benjamin Philippe

Au sujet de la Galerie Lange + Pult

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